Félins pour l'autre - Introduction
Tout est calme, rien ne laisse présager ce qui va se passer quelques minutes plus tard…
La table du dîner est débarrassée. Le jardin bruisse des musiques de la nuit, et les parfums exaltants du soir montent de la terre encore tiède. J’ai envie de me lever de la balancelle où j’ai fait une petite sieste pour aller voir si les mulots sortent de leur trou, ou pour chasser les papillons de nuit attirés par les lumières. Ils ont un vol si lourd et maladroit qu’ils sont vraiment faciles à attraper. Cependant, je sais que ma présence à cette table est nécessaire, et je résiste au désir de m’éloigner. Pour passer le temps, je fais un brin de toilette comme nous avons l’habitude de le faire, nous les chats, après un bon repas. Car oui, je suis un chat et ce moment important qui va changer le destin de mon humain, c’est moi qui l’ai provoqué.
Alexandre se détend sur sa chaise et s’étire discrètement de bien-être, pour ne pas sembler grossier. Après tout, il ne connaît sa voisine que depuis une petite semaine, et c’est leur premier dîner ensemble ! L’hôtesse a fini d’allumer les photophores, et elle se rassied en souriant. Un ange passe. Pour rompre ce silence, Alexandre tend la main vers le carton qu’il a apporté. À l’intérieur, des photos, dont des images de chats et de chiens qui ont vécu dans sa famille. Comme il partage l’amour des animaux avec sa voisine, il a eu envie de les lui montrer. Il plonge la main dans la boîte comme dans un chapeau de magicien pour en ressortir, tel un jeu de cartes, une pleine poignée d’images qu’il abat sur la table.
C’est ce moment que j’attendais ! Je sais que je peux me permettre ce que je vais faire. J’ai la réputation d’être joueur. Je saute sur la table au milieu des photos, et les lance en l’air. Le temps alors se ralentit, comme dans un film, lors d’une scène cruciale. La bouche d’Alexandre s’arrondit, entre la surprise et l’indignation. Une image s’envole, fait un tour dans les airs pour retomber sur les genoux de la jeune femme. Elle sourit de la situation, baisse les yeux, regarde la photo, et son expression vire d’un coup à l’étonnement le plus total. Bouleversée, elle balbutie : « Ce n’est pas possible ! Comment as-tu eu cette photo ? »